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Jean-Gaël Montarnal
Temps de lecture: 6 mn environ
Illustration par Fanny Lamouroux

Le bonheur au travail est un concept en vogue depuis quelques années maintenant. De grandes entreprises ont même développé de nouveaux postes pour encadrer les actions mises en place dans le but d’apporter le bonheur à leurs salariés. On parle de Chief Happiness officer ou responsable du bonheur.

Bonheur au travail, le bon terme, c’est sûr ?

Qu’est-ce que le bonheur ?

Le bonheur est un concept très apprécié des philosophes. Pour la majorité des gens, « c’est un genre de machin confus, un peu comme un gros pâté coloré avec des images vagues et du flou artistique comme dans un clip des années 80. »

 

En voici une définition un peu plus sérieuse :

Le bonheur est un état de satisfaction complète caractérisé par sa stabilité et sa durabilité. Il ne suffit pas de ressentir un bref contentement pour être heureux. Une joie intense n’est pas le bonheur. Un plaisir éphémère non plus. Le bonheur est un état global. L’homme heureux est comblé. Il vit une forme de plénitude. Sa situation est stable : elle présente un équilibre et seul un élément extérieur pourrait la modifier. dicophilo

Les termes à retenir sont : Satisfaction complète, stable et durable / Etat global / Plénitude.

Qu’est-ce que le travail ?

Il existe plusieurs définitions du mot travail. Mais dans les origines de ce mot se retrouve l’idée de torture (tripalium). On retrouve cette idée dans le terme donné à la salle d’accouchement : la salle de travail.

Bonheur au travail : un oxymore ?

Aux vues des définitions précédentes, il semble effectivement le « bonheur au travail » soit bel et bien un oxymore.

Parler de bonheur au travail ne peut pas être correct.

D’abord parce qu’il semble que ces deux termes soient radicalement opposés.

Ensuite car le bonheur est un concept qui dépasse une seule activité, un seul domaine de notre vie. Le bonheur, s’il est présent, provient et touche toute notre vie.

Enfin, le bonheur qui est un état constant ne peut pas être associé directement au travail devenu instable dans une conjecture ou nous changeons de travail relativement souvent.

Alors pourquoi cette association de concepts est-elle tant en vogue ?

Du sensationnel

Quand on voit que des chaines comme Arte ou France2 se sont penchées sur le sujet avec des documentaires qui portent précisément le nom de « bonheur au travail », on constate que l’effet de mode est bien là.

Le terme de bonheur, bien que mal choisi dans ce cas, procure davantage de sensationnel que d’autres termes pourtant plus pertinents.

Le contexte

Il est incontestable que le rapport au travail évolue. J’ai déjà brièvement évoqué dans cet article et celui-ci l’évolution du rapport au travail entre le début du 20ème siècle et aujourd’hui :

  • Les attentes vis-à-vis de notre activité professionnelle sont liées à de nouveaux besoins plus hauts dans la pyramide de Maslow.
  • L’arrivée du digital permet l’abattement des frontières géographiques entre lieux de travail et lieux réservés à la vie personnelle. Le travail à distance (TAD) est de plus en plus courant. Des entreprises comme Bel proposent une journée de TAD par semaine à ses employés.
  • Le terme de « nomades numériques » est apparu pour désigner des personnes qui travaillent sans bureaux. Certains louent des villas en Californie ou au Costa Rica à deux pas de la mer. Autant dire que cela permet des pauses café de qualité supérieure.

Donc quels sont ces termes plus pertinents ?

On entend aussi parler de bien-être ou encore d’épanouissement au travail. Bien que ces deux termes n’expriment pas la même chose, ils sont plus corrects pour traiter de l’idée qu’il y a derrière le « bonheur au travail ».

Bien-être

Le bien-être concerne l’environnement de travail. Que ce soit l’agencement des bureaux ou les avantages en nature. Beaucoup de dispositions peuvent être mises en place pour assurer le bien-être de ses collaborateurs. De nombreuses études montrent les bénéfices sur la productivité des employés (+31% d’après l’étude Gallup sur l’engagement au travail).

Gallup a créé un index qui mesure le bien-être des salariés en se basant sur 5 critères :

  • Le but : aimer ce que l’on fait quotidiennement et être motivé pour atteindre vos objectifs.
  • Le social : avoir un entourage qui vous soutient et avoir de l’amour dans votre vie.
  • Les finances : être en mesure de gérer vos finances pour réduire le stress et augmenter votre sécurité financière.
  • La communauté : aimer l’endroit où vous vivez/travaillez, vous sentir en sécurité et fière de votre communauté.
  • Le physique : avoir une bonne santé et assez d’énergie pour réaliser vos objectifs journaliers.

Epanouissement

L’épanouissement au travail concerne l’apport du travail dans le développement personnel des employés. Il s’agit des missions confiées à chaque employé, de la visibilité de l’impact que ces missions ont sur la mission globale de l’entreprise ou encore des formations mises à dispositions et du temps accordé pour la vie personnelle. L’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle est recherché par les employés et des dispositifs peuvent être mis en place pour convenir aux attentes de chacun.

 

Arrêtons avec le sensationnel que procure l’idée de bonheur au travail. Il est important que l’on reste pragmatique et que l’on emploie les bons termes pour parler de cette idée qui révolutionne notre approche du travail. Cela évite des polémiques qui reposent sur la forme (le choix des mots) plutôt que de confronter le fond de l’idée. C’est pourquoi les concepts de bien-être et d’épanouissement sont plus appropriés pour la vie professionnelle.

L’auteur :

Jean-Gaël Montarnal
Professionnel de la culture d’entreprise

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