X

La communication dans les différents types d’organisations: le modèle Opale

Wilfrid DE CONTI
Temps de lecture: 27 mn environ
Illustration par Fanny Lamouroux

Nos organisations changent, d’autant plus lors de grandes crises comme celle que nous avons connue en 2020. En effet, la crise du Covid19 aura eu le mérite d’amener les entreprises à réfléchir sur leur modèle de management, faisant face à une crise sans précédent qui a parfois remis en question leurs fondements. Désengagement des collaborateurs, perte de sens, turnover exagéré, tous ces signaux forcent le pas et amènent une réflexion de fond. Dans ce contexte, nous avons souhaité analyser la communication dans les différents types d’organisations en s’inspirant du modèle proposé par Frédéric Laloux dans Reinventing organizations, le fruit de 3 ans de recherche sur les organisations.

Toutes les entreprises ont une couleur

Dans ce modèle, Frédéric Laloux propose une vision colorée des différentes structures d’entreprises, basée elle même sur la théorie de Ken Wilber. Dans son modèle, Ken propose une approche fondamentaliste qui se base sur les phases principales de notre évolution : âge tribal, âge agricole, âge scientifico-industriel et ainsi de suite. Le code couleur proposé est le suivant: Rouge, Ambre, Orange, Vert, Opale. Chaque couleur correspond à un stade de l’évolution de notre conscience.

Frédéric Laloux a donc repris ce code couleur en l’adaptant à son tour aux structures d’entreprises ou plus généralement, aux organisations. Il a établi un modèle qui permet de mettre des mots sur des ressentis parfois omniprésents au sein des collaborateurs d’une entreprise.

 

Votre supérieur.e ne vous écoute pas et vous ne comprenez pas pourquoi ? Les conflits sont ignorés alors que vous pensez qu’ils devraient être traités ? Rassurez-vous, bon nombre de questions que vous vous êtes déjà posées seront abordées dans cet article.

Aussi, si vous ne l’avez pas déjà fait, n’hésitez pas à passer le test de personnalité d’entreprise gratuit :

Passer le test

Une vision par « stades » d’évolution

Frédéric Laloux et de nombreux philosophes et psychologues avant lui, ont observé que les organisations avancent par stade, non pas de façon continue.

En effet, les faits marquants d’une société arrivent globalement tous en même temps. La métaphore employée pour matérialiser ce concept est celle de la découverte du feu qui s’est faite à plusieurs endroits du globe en même temps.

Aujourd’hui, cela explique notamment la vague de la quête de sens au travail, couplée avec la recherche intérieure de plénitude, c’est à dire, de vivre pleinement sa vie. Ces préoccupations propres à notre siècle ne sont pas un simple délire d’une « génération Z désabusée » mais bien un véritable changement de paradigme.

Les différents stades d’évolutions et leur couleur

Voici un résumé des grands principes qui régissent chaque type d’organisation :

Nous allons maintenant voir en détail chacun de ces types d’organisations et se questionner sur les différentes façons d’aborder la communication en fonction des traits de personnalité de chaque stade.

A chaque couleur, sa communication propre

Comme on peut le voir dans l’infographie ci-dessus, chacun des stades possède des caractéristiques particulières qui imposent une attention toute particulière sur une discipline transversale dans les organisations : la communication.

Cela explique notamment la complexité face à laquelle se trouvent les communicants dans les entreprises à faire adhérer à de nouvelles idées, notamment si celles-ci sont en avance sur leur temps.

Nous avons donc passé en revue chacun de ces types d’organisations, afin de vous sensibiliser aux codes potentiellement déjà en place et aux bonnes pratiques dans votre structure actuelle.

Les organisations rouges : le stade impulsif

  • Si l’entreprise était une chose : une meute de loup
  • Le modèle typique : la mafia, le gang de quartier
  • Le mantra : La loi du plus fort
  • Management : par la peur du chef qui distribue les tâches

Les organisations rouges sont le premier stade d’avancement de notre civilisation. Même si les mots employés semblent très forts et parfaitement intolérables dans la majorité des organisations d’aujourd’hui, il n’en est pas moins que les organisations rouges ont grandement contribué à notre évolution.

C’est la première fois dans notre histoire que nous avons commencé à nous organiser, tout simplement. Même si cette organisation était particulièrement centrée sur la place du « chef » et sur son autorité, notre civilisation a commencé à agir en groupe et de façon coordonnée avec les organisations rouges.

Aujourd’hui, il est vraisemblablement peu probable que vous soyez dans une organisation rouge. D’ailleurs, nous n’avons pas intégré ce stade dans notre test de personnalité d’entreprise.

  • Les codes de la communication : Si vous avez vu le Parrain, remettez-vous en tête le comportement et les messages que peut faire passer Don Corleone. Tout est basé sur la peur des représailles et le moindre pas de travers est soit fatal, soit grandement puni avec des actions souvent symboliques (la fameuse tête de cheval dans le film).
  • Le projet typique de communication par l’objet : ici, il n’est pas question de communication au sens conventionnel du terme. Il n’y a donc aucun conseil à donner sur ce sujet 😂

Points positifs :

  • Première organisation “efficace” collectivement

Points négatifs :

  • Stade basé sur la peur, la domination

Evidemment, nous ne pouvions pas évoluer indéfiniment avec comme seul moteur la peur. C’est là qu’intervient le stade ambre.

Les organisations ambres : le stade traditionnel

  • Si l’entreprise était une chose : une religion
  • Le modèle typique : l’église ou l’armée
  • Le mantra : Le conformisme
  • Management : uniquement descendant en partant de la hiérarchie. Le haut de la pyramide impose le quoi et le comment au bas de la pyramide.

Les organisations ambres sont la première avancée véritablement civilisée de notre ère. Ce qui a fait le succès de ce modèle est son goût pour la stabilité, l’organisation et les process.

Dans une organisation ambre, il y a souvent une seule façon de penser. Tout ce qui est décidé l’est en fonction d’un idéal commun, accepté par tous, qui est omniprésent dans la structure. Il en résulte une mise en place de nombreux process et contrôles à tous les échelons. C’est cette caractéristique particulière qui a d’ailleurs permis à notre civilisation de mettre sur pied des projets de grande ampleur, comme les grands empires qui ont fait l’histoire.

Enfin, les organisations ambres ont une structure hiérarchique très organisée qui n’est pas remise en question. La discipline est une exigence. C’est grâce à cette discipline que les projets d’ampleur ont pu être mis en œuvre. Un manque de discipline entraîne un rappel à l’ordre, voire une réprimande. De plus, les organisations ambres ont l’habitude d’utiliser le bâton pour motiver les troupes, en n’hésitant pas à mettre un petit coup dès que quelqu’un sort du cadre.

  • Les codes de la communication : étant donné qu’une seule façon de penser est véritablement acceptée dans les organisations ambres, il est d’usage d’opter pour un certain conformisme. Sortir du cadre n’est pas forcément bienvenu et parfois même plutôt contre productif. Enfin, le goût pour les process est une corde sur laquelle il est pertinent de jouer dans les projets de communication car, par essence, ce modèle d’organisation en est particulièrement friand. Tout ce qui peut apporter un caractère fonctionnel et structuré à l’entreprise sera accueilli à bras ouverts.
  • Le projet typique de communication par l’objet : qui dit conformisme dit en premier lieu uniforme. Si la profession le permet (postier, ASVP, police, armée, …), il est très pertinent de créer un univers uniformisé par le vêtement personnalisé. Plus généralement, le stade ambre est avant tout en quête d’utilité et d’uniformité donc tous les instruments de bureau comme les stylos ou les carnets seront bienvenus.

Points positifs :

  • Efficacité de l’hyper structure à grande échelle
  • Stabilité et sécurité

Points négatifs :

  • Inertie / peu d’agilité
  • Pas/peu d’innovation

C’est en prenant conscience du manque d’agilité de ce modèle que le stade orange est arrivé : celui de la réussite !

Les organisations oranges : le stade de la réussite

  • Si l’entreprise était une chose : une machine
  • Le modèle typique : les marques mondiales comme Carrefour, Nike, Coca-Cola, etc…
  • Le mantra : La méritocratie
  • Management : Command and control

Les organisations oranges peuplent le monde d’aujourd’hui. Symbole de l’ère industrielle, elles fondent les rouages de notre économie moderne. Elles sont nées de la première révolution industrielle et se sont vraiment épanouies lors de la seconde grâce à l’abondance de nouvelles énergies bon marché (et malheureusement polluantes ! ).

La grande remise en question du modèle orange provient d’un changement idéologique : il n’y a plus qu’une seule et unique façon de penser. En effet, l’organisation orange croit qu’il y a plusieurs méthodes pour arriver à ses fins et que certaines d’entre elles sont plus efficaces que les autres.

Il en résulte une obsession pour la performance et la rentabilité.. Il faut être le meilleur, le premier pour gagner dans cette économie de la concurrence où tout le monde peut prendre la première place, s’il s’en donne les moyens. De là est né le progrès, cette course incessante à l’innovation, qui a contribué à l’augmentation moyenne du niveau de vie.

La méritocratie est la pierre angulaire de ce modèle qui a trouvé le meilleur ami du bâton : la carotte. Dans une organisation orange, on motive principalement par un système dual d’objectifs et de récompenses, que l’on appelle d’ailleurs plus communément les primes. C’est donc un modèle qui favorise au maximum les challenges, tout en récompensant à juste titre les gagnants.

Enfin, la performance de ce modèle se paye souvent dans ses travers qui ont tendance à faire passer l’humain en second plan. L’entreprise étant une machine, elle considère ses ressources humaines et naturelles comme inépuisables alors que la nature ne partage pas ce point de vue. L’organisation orange a donc tendance à exercer une forte pression sur ses ressources.

  • Les codes de la communication : Les challenges sont très appréciés dans ce type de structure et les récompenses sont presque des rituels. Il sera donc pertinent d’en organiser le plus possible, tout en veillant à être créatif et surtout, innovant, car l’innovation est presque une idéologie dans les organisations oranges, ayant fait leur réussite. Aussi, la méritocratie étant l’un des moteurs des organisations oranges, il est important de montrer de la reconnaissance face à la performance individuelle. Cela passe par des indicateurs matériels comme le bureau individuel, la cravate spéciale, les avantages en nature etc…
  • Le projet typique de communication par l’objet : récompenser la performance par le cadeau est une tradition forte de l’entreprise orange. Souvent réalisés en fin d’année, les organisations oranges aiment faire savoir à leurs collaborateurs et leurs clients qu’ils comptent pour eux. Cependant, la surprise est aussi très appréciée donc n’hésitez pas à organiser des petits challenges toute l’année avec des récompenses simples mais efficaces à la clé.

Points positifs :

  • Grande capacité d’innovation
  • Stimulation de la performance par la concurrence

Points négatifs :

  • Surexploitation des ressources humaines et naturelles
  • Inégalités
  • Perte de sens

Face à une épidémie de burn-out causée par ce modèle, de nombreuses structures ont commencé à évoluer vers le stade vert.

Les organisations vertes : le stade pluraliste

  • Si l’entreprise était une chose : une famille, une communauté
  • Le modèle typique : une association, une ONG
  • Le mantra : L’autonomisation et la culture des valeurs.
  • Management : Management horizontal, la direction est en soutien des collaborateurs, pas en contrôle

Les organisations vertes sont directement issues du modèle orange mais diffèrent sur un point fondamental : le concept de chef. En effet, dans les structures vertes, les « chefs » sont volontairement effacés et la « direction » se retrouve en bas de la pyramide et non en haut. Leur rôle est d’apporter la structure et les moyens aux équipes pour qu’elles puissent pleinement s’épanouir et exercer leurs fonctions au mieux.

La caractéristique forte de ce modèle est qu’il agit plutôt en opposition au modèle orange pour compenser les zones d’ombres bien connues (burn-out, manque de sens, etc…). Le stade vert est né pour corriger les dérives du stade orange.

Au stade vert, une organisation tente le pari de l’horizontalité dans le management. Les chefs n’en sont plus et les collaborateurs ont tous les mêmes droits. Cependant, il n’est pas évident de remettre en question des années d’évolution aux stades ambres et oranges qui ont été largement basés sur une hiérarchie forte. Il en résulte souvent des comportements paradoxaux qui peuvent remettre en question la notion d’horizontalité, pourtant largement prônée par ce type d’organisation.

Enfin, la métaphore de la famille parviendra largement à expliquer les fondements du modèle vert. Avant tout, c’est l’égalité entre tous qui sera recherchée et on préférera prendre une décision non optimale si tout le monde est d’accord qu’une décision parfaite qui ne fait pas consensus.

  • Les codes de la communication : l’organisation verte étant assimilée à une véritable famille, le sentiment d’appartenance est très fort et au centre du modèle. Cela implique donc la reconnaissance de chacun des membres de la « famille » au travers de symboles comme le fait de devoir penser à inviter tout le monde aux événements, le fait de ne pas oublier les anniversaires, etc… Dans une organisation verte, on est souvent tous ensemble, on décide ensemble et on se développe ensemble. Toute forme d’exclusion est donc à bannir.
  • Le projet typique de communication par l’objet : le sweat personnalisé est le symbole de la culture verte. Il sert à montrer au monde que les collaborateurs de l’organisation sont soudés et prêts à tout pour réussir ensemble ! Contrairement à l’uniforme qui se veut discret et conformiste, le sweat personnalisé est le symbole du vêtement « cool » qui s’oppose au classique costard/cravate/tailleur. Dans les organisations vertes, on s’habille à la cool 😉.

Points positifs :

  • Recherche de l’égalité entre tous
  • Quête de sens favorisée par les valeurs communes
  • Sentiment de travailler “comme en famille”

Points négatifs :

  • Décisions très lentes et parfois impossibles à cause de la recherche absolue de consensus
  • Structure paradoxale sur la notion de chef et la gestion
  • Problèmes parfois gérés comme dans les organisations hiérarchiques, faute d’un meilleur modèle

Le modèle vert est en quelque sorte un modèle transitoire, qui nage entre deux eaux. D’un côté le stade orange et de l’autre, les prémices du stade opale.

Les organisations opales : le stade de la plénitude

  • Si l’entreprise était une chose : un organisme vivant, la nature
  • Le modèle typique : Buurtzorg aux Pays-bas ou encore FAVI en France
  • Le mantra : La plénitude, la confiance.
  • Management : Auto-gouvernance

Beaucoup plus conceptuel, le stade opale est plus récent à l’échelle de notre société. Face aux nombreux enjeux de notre génération, ce modèle s’est érigé naturellement en revenant aux fondamentaux de notre nature.

Ici, la quête principale est celle de la plénitude. On cherche donc à fusionner les aspirations personnelles et professionnelles des individus pour faire tomber le masque et ainsi, vivre plus pleinement sa vie.

Aussi, le modèle opale prend en compte son environnement dans l’équation et évolue dans le sens d’une vision/mission clairement définie et acceptée par tous les membres de l’organisation. Ce mode de fonctionnement détache l’entreprise de son caractère machinal acquis par le passé et la « libère » en quelque sorte du cercle vicieux de la croissance à tout prix.

Autre particularité forte des organisations opales : le mode de management. Contrairement au modèle vert qui mise tout sur l’horizontalité, le modèle opale considère que la gouvernance n’est pas nécessairement un problème et qu’au contraire, elle a des bons côtés. On choisira donc tous ensemble un « team leader », sans candidats, qui mènera une petite équipe qui aura une mission clairement définie et en rapport avec la mission globale de l’organisation.

Il s’agit donc du stade d’évolution le plus « avancé ». Il se montre majoritairement le plus productif, malgré ce que l’on pourrait imaginer et le plus favorable au bon développement des humains qui constituent l’organisation.

  • Les codes de la communication : l’organisation opale étant construite à l’image de la nature, il n’y a pas nécessairement de codes prédéfinis. La règle d’or est l’adaptation. En effet, comme un organisme vivant qui s’adapte constamment à son environnement, la communication s’adaptera aux collaborateurs et aux clients de l’entreprise. Parmi les prérequis, on notera la mise en perspective de la raison d’être de l’entreprise et ses déclinaisons dans le branding et les différents projets. Les maîtres mots sont donc le sens et la cohérence.
  • Le projet typique de communication par l’objet : plus qu’un projet type, l’entreprise opale doit s’assurer de la cohérence de ses actions de communication. Offrir un uniforme lors de l’arrivée d’un nouveau collaborateur sera donc plutôt mal venu. Au contraire, un kit ultra personnalisé et original qui communique un message fort en rapport avec la raison d’être sera très apprécié et mettra directement la nouvelle recrue sur les rails de la mission de l’entreprise.

Points positifs :

  • L’organisation est conçue en fonction de la nature et des êtres humains qui la composent. Elle est donc plus respectueuse de nos limites naturelles
  • Le sens est un pilier du modèle, les collaborateurs décident et savent pourquoi ils travaillent
  • Le travail est perçu comme une partie intégrante de la vie d’une personne et non plus comme un masque
  • Favorise la plénitude

Points négatifs :

  • Transition complexe
  • Besoin de beaucoup de structure contrairement à ce que l’on peut imaginer

La réussite du stade opale provient de l’analogie faite entre les organisations et la nature. Ce pari ne peut qu’être gagnant sur le long terme, même s’il est parfois complexe à mettre en œuvre.

Pour finir, il est important de rappeler que chacun des modèles présentés ne s’applique pas d’une façon uniforme à toutes les facettes d’une organisation. Il est tout à fait possible de trouver un mélange d’ambre, d’orange et de vert dans une organisation. Le monde des organisations n’est pas manichéen.

Même s’il y a dans votre organisation un modèle dominant, cela ne vous empêche pas d’emprunter des méthodes aux autres modèles. Une entreprise à majorité orange peut avoir quelques services qui tendent vers le vert et vice versa. Enfin, si vous arrivez à faire évoluer votre organisation vers le stade d’évolution suivant, vous en tirerez les bénéfices cités lors de la présentation du modèle opale, pour que notre monde soit plus en phase avec la nature, plus sensé et plus humain. Qui sait, peut-être pourrions-nous devenir la première civilisation sur terre à véritablement transcender notre nature et ses dérives au profit de la plénitude ?

L’auteur :

Wilfrid de Conti
Professionnel de l’engagement et de la brand advocacy

0 commentaires

Soumettre un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

NOS SERVICES